LA MIGRATION DES GOTHS
Voir aussi
LES GOTHES
ORIGINE FAMILIALE DE QUITTERIE
Présence des Goths en Aquitaine : Qui sont-ils, d’où viennent-ils
LA GOTHIE
Depuis le deuxième siècle, pour des raisons climatiques ou démographiques, des populations scandinaves des rives de la Baltique et de la région de Gotheborg (Suède) ont quitté leur terre pour migrer vers l’Europe centrale. Ces peuples en migration, bien organisés et structurés pour la guerre sont commandés par des rois issus de deux familles réputées pour les exploits de leurs ancêtres, et dotées d’aptitudes fondamentales à engendrer des chefs de guerre, des juges et des sages conseillers. Ce sont les Amales (Ostrogoths) et les Balthes (Wisigoths).
Les Amales et les Balthes sont un peu comme nos dynasties historiques : Mérovingiens, Capétiens etc…
LES MIGRATIONS
A la fin du IIIème siècle, les Ostrogoths (groupe qui part vers l’Est) conduits par leur roi amale Hermanaric établissent un prestigieux empire jusqu’à la Volga et les steppes de l’Oural et du Caucase. Ils ne sont arrêtés qu’un siècle plus tard par les Huns à l’Est en 375.
Nous les oublierons quelque siècle mais ils reviendront.
L’autre groupe mène ses combats en Europe centrale et méridionale sous la conduite des rois Balthes et se stabilise pour quelque temps au Nord du Danube à la limite de l’empire Romain. C’est là qu’ils négocient avec l’empereur Romain Constantin en 332 la promesse de subsides contre la fourniture de soldats. Le calme apparent est revenu et l’empereur Constance II accepte que les Goths traversent le Danube et s’installent en Mésie (actuelle Bulgarie).
Mais cette paix provisoire ne fut jamais complète. Les successions de rois et d’empereurs mirent à mal le traité de 332 et des accrochages de part et d’autre se produisirent. Les romains cessèrent de ravitailler les Goths et, ceux-ci affamés et révoltés conduits par leur chef Fritigern jettent à leurs pieds l’empereur Romain Valens. Ce fut la fameuse victoire d’Andrinople (9 août 378). Le nouvel empereur romain
Théodose 1er reçoit avec de grands égards, en son palais Athanaric, roi des Goths. Ils ont maintenant le droit de s’installer dans les Balkans à condition de servir dans les armées romaines.
LES GOTHS DANS L’EMPIRE ROMAIN
Après cette victoire et cette reconnaissance romaine, les Goths sont partout, souvent divisés en petits groupes, parfois assurant la garde aux frontières romaines et aussi enrôlés dans les institutions de Rome. Et pendant un siècle, ils sont partout où il y a la guerre et partout ou il y a des richesses.
Malgré les influences orientales et occidentales des peuples migrants rencontrés ou sédentaires traversés, l’identité Balthe s’est toujours maintenue comme étant le ciment de ce peuple éclaté en tribus. Ils croient tous aux anciens dieux scandinaves soleil et lune, feu et eau.
CONVERTION DES GOTHS A L’ARIANISME
C’est à ce moment-là que des Goths installés en Dacie (Asie Mineure) reçurent les premiers messages évangéliques. Plusieurs auteurs contemporains de cette époque évoquent la conversion des Goths au Christianisme Arien. Après le concile de Nicée (325) qui condamna l’arianisme, les opposants (Evêques ariens) furent exilés mais continuèrent à professer leurs idées et influencèrent une majorité de Goths. Les empereurs romains suivants, revenus à l’Arianisme l’imposèrent comme religion à tout l’empire et parmi les martyres Nicéens se trouvent aussi des Goths. On a la trace par exemple, d’un calendrier gothique qui a conservé la mémoire des saints martyres catholiques Goths. Mais les chefs Goths influencés par leur évêque Ulfila (qui traduisit la Bible en langue gothique) et lassés par les subtilités christologiques des différents conciles suivants se cantonnèrent à une religion qui correspondait bien à leur structure hiérarchisée : l’Homéisme (voir 2eme partie : nouvelle définition de l’ancienne théologie d’Arius). Cette religion prenait maintenant une part très importante dans l’identité particulière de ce peuple et y restera jusqu’à la fin.
POURSUITE DE LA MIGRATION VERS L’OUEST
L’armée Gothe toujours crainte mais jamais respectée par les romains, mal nourrie cherche inlassablement des subsides ou une terre pour y vivre. Elle est souvent la proie des administrateurs romains qui profitent des moments d’entente des Goths avec l’empereur pour détourner à leur propre profit les subsides qui devraient parvenir aux Goths. Tous les historiens de cette époque déplorent les mêmes déviations des largesses impériales. Lassé d’attendre une certaine reconnaissance, pressé à l’Est par les Huns, Alaric nouveau roi des Goths sachant que l’armée Romaine doit repousser au Nord une invasion des Vandales, n’hésite plus à pénétrer en Italie par les Alpes le 18 Novembre 401. Malgré quelques résistances romaines, les Goths progressent vers Rome. L’empereur quitte sa capitale en 402 pour n’y plus revenir et s’installe à Ravenne mais l’objectif final des Goths n’est pas Rome mais la Gaule. Sans entrer dans Rome, Alaric remonte vers l’Ouest mais est bloqué par le retour d’une partie de l’armée romaine. De discutions en palabres, de promesses non tenues en stratégies hasardeuses, les Goths et les Romains tergiversent encore et, ce n’est que 8 ans plus tard que les Goths laissent éclater leur colère et rien
maintenant ne peut les arrêter. Le 24 août 410, ils entrent dans Rome et pendant trois jours ce fut le pillage, enlevant tous les trésors mais épargnant ceux qui avaient cherché refuge dans les églises et rendant aux basiliques ce qui avait pu en être enlevé.
Les généraux romains ont délaissé Rome mais tiennent les cols alpins. Les Goths descendent donc vers le Sud de l’Italie ou leur roi Alaric meurt de maladie la même année.
Athaulf, nouveau roi des Goths reprend la route des Gaules et remonte l’Italie sans trouver de résistance romaine et pour cause, il avait, depuis la prise de Rome, en sa possession (Comme otage) la sœur de l’empereur romain Aelia Galla Placidia que Alaric lui-même lui avait confiée. Athaulf arrive en Gaule et s’installe à Bordeaux mais, c’est maintenant que sa vrai nature transparaît : il est épris des fastes de Rome, épouse la sœur de l’empereur, Galla Placidia et fait tout ce qu’il ne faut pas faire lorsque l’on est roi des Goths. Il revêt la tenue romaine et proclame hautement que la Gothie (identité Gothe) lui importe moins que la Romanité.
L’empereur romain est aussi humilié par ce mariage qui fait de lui le beau-frère d’un Goth. Au mois de septembre 415, Athaulf est assassiné par les siens ainsi que toute sa descendance.
Son successeur Vallia poursuit l’installation des Goths en Aquitaine et dans toute l’Espagne et il meurt en 418.
INSTALATION DES GOTHS EN GAULE
Les Goths, maintenant devaient se choisir le roi qui allait créer la « nouvelle Gothie ». La vie permanente dans les chariots, toujours prêts pour la guerre au risque des famines, des maladies, des défaites allait prendre fin. Mais les Goths n’étaient ni attirés par la vie des champs, ni par la vie des cités peuplées des provinces Gallo-romaines et la préparation des armes dans des châteaux bien bâtis sur des hauteurs ou près des rivières demeuraient leur souci majeur même en temps de paix. Ce mode de vie loin des fastes romains corrompus les fit regarder par de nombreux clercs catholiques comme les vainqueurs vertueux d’un monde romain dissolu. Théodoric 1er fut le nouveau roi chargé de l’installation des Goths dans les Gaules. C’est un peuple de cent mille personnes qui s’installe en Gothie aquitanique. Mais les Goths sont vite à l’étroit en Aquitaine et regardent maintenant vers l’Est (les très riches Arles et Narbonne qui sont restées romaines) et vers le Sud (la péninsule ibérique). Mais Rome s’est reprise et c’est le général Aétius qui doit surveiller les appétits gothiques. Litorius second de Aétius repoussa les Goths au siège de Narbonne et, fort de sa victoire, poursuivit l’armée Gothe jusqu’au cœur de son domaine. La grande bataille du « Mont des Couleuvres » laissa des milliers de morts. La localisation de ce lieu n’est pas vérifiée mais, dans la passion de sainte Quitterie, on cite toujours : « Au monts Colubrarius où ont été terrassés les poisons de la république romaine ». Le romain Litorius sur sa lancée poursuivit son effort et vint se positionner dans les ports Pyrénéens et en 439, il n’hésite plus à attaquer Toulouse capitale gallo-gothe. C’est l’évêque d’Auch Orens qui fut l’ambassadeur du Goth Théodoric 1er pour négocier la paix.
La Gothie est aussi enviée par les Huns d’un côté et les Vandales de l’autre. En 445, le roi Vandale arme une flotte puissante et se présente aux bouches de l’Adour prenant en otage de notables familles et remonte le cours du fleuve. Ni Lapurdum (Bayonne) ni Dax n’ont pu retenir cette flotte sortie des brumes et une rude bataille se déroula à Palestrium où le Goth Sever et de nombreux guerriers trouvèrent la mort (Parmi eux, Girons, compagnon de Sever devenu Saint dont les reliques ont été déposées à la crypte d’Hagetmau) mais ici, les Vandales furent repoussés. Une somptueuse chapelle de marbre, d’or et d’argent fut édifiée en ce lieu sur le tombeau de Sever qui fut très vite honoré comme un saint (et vous devinez que ce lieu est aujourd’hui la ville de Saint Sever).
Théodoric 1er, après avoir repoussé les Vandales devait maintenant se préparer à « recevoir » les Huns. Attila, leur chef, toujours en recherche de richesses, plus puissant que jamais avait maintenant agrégé une armée de cinq cent mille hommes parmi lesquels se trouvaient des Ostrogoths et plus rien ne le retenait pour attaquer l’opulente Aquitanie.
Les romains avaient aussi les mêmes intérêts que les Goths à arrêter cet ambitieux, mais Attila inspirait une telle crainte : « Cauchemar de tous les peuples, semant partout la terreur » que tous les peuples de Gaule se réunirent autour des Goths et des Romains. La bataille s’engage au printemps 451. Le 7 avril, Metz est pillée mais Paris assiégée est sauvé par Geneviève ; fin mai c’est Orléans que l’évêque Aignan protège de ses prières. Et c’est après Orléans que les armées, Gothe du roi Théodoric et Romaine commandée par Aétius, font leur jonction. Au « Campus Mauriacus », (lieu dit des Champs Catalauniques entre Troyes et Châlons) la bataille fait rage. Dans la mêlée, Théodoric est tué et c’est Thorismond, de lignage Amale (Ostrogoth), qui reprend l’épée. Les Huns sont repoussés hors des limites de l’empire mais cette bataille aura fait entre cent soixante et trois cent mille morts. A la levée du jour, le champ de bataille est abandonné par les Huns qui ne sont pas poursuivis.
TOULOUSE CAPITALE DU NOUVEAU ROYAUME WISIGOTH
C’est maintenant le nouveau roi Thorismond qui conduit les Goths pour revenir à Toulouse. C’est ensuite le Balthe Théodoric II (petit fils d’Alaric 453-466) qui succède à Thorismond. Théodoric II se tourne maintenant vers les Espagnes. Il va d’une province à l’autre les conquérir toutes par des alliances subtiles ou par de violents saccages. Rome n’est plus ni son alliée, ni son ennemie car c’est lui Théodoric II, plus puissant que les empereurs Romains qui se succèdent rapidement, qui représente l’empire. Mais pour l’Eglise, il reste un barbare et un hérétique. Alors, il décide de faire basculer le rapport de force dans le domaine religieux et soutient l’action des missionnaires ariens.
L’EMPEREUR IMPOSE L’HOMEISME
On enregistre pour la première fois la diminution du rôle accordé aux évêques. Ce qui montre l’attention particulière que Théodoric II accorde à la question religieuse, à la défense de ses prérogatives. Non seulement il emprisonne ou il exile des membres du clergé, mais il puise dans sa fonction royale des attributions religieuses relatives à toutes les communautés du royaume. Ainsi, il surveille les communautés catholiques autant que celles de sa religion. Les Homéens savent infiltrer l’Eglise catholique, les évêques multiples sur un même évêché se multiplient au mépris des lois canoniques. Les hérésies, les schismes les dispensateurs d’idées fausses sèment la « zizanie »: désordre suscité par l’Arianisme. Le temps n’était plus celui où l’évêque Orens d’Auch bénissait les aliments à la table de Théodoric 1er mais le règne suivant sera pire encore, la grandeur gothique sera une et sans partage. Et, c’est au cours d’une ambassade auprès du roi Suève en Galice que Théodoric II trouve la mort en son royaume.
LA GRANDE GOTHIE AQUITANIQUE
La réputation du nouveau roi Euric (466-484) est claire : « Un loup dévastant les bergeries de l’Eglise ». Les persécutions contre les catholiques sont maintenant permanentes systématisant l’entreprise d’amoindrissement de l’Eglise. Voici un extrait d’une plainte à l’évêque Basile d’Aix qui doit participer à des entretiens entre le roi, l’Eglise des Gaules et l’empereur Romain Julien Népos en 475 : « Nous déplorons la duplicité avec laquelle le loup de notre temps qu’engraissent les péchés des âmes perdues, ronge les bergeries de l’Eglise de la blessure secrète d’une dent dont on ne soupçonne pas encore les ravages…. La seule mention du nom « Catholique » est tellement amère à ses lèvres comme à son cœur, que l’on se demande s’il n’est pas plus le roi de sa secte que de son peuple… ». Euric cherchait à décapiter les structures fragiles de l’Eglise mais le peuple gardait la foi et des miracles se produisirent sur les lieux même d’exécutions de martyres, et parmi les Goths, le doute commence à perturber les convictions Ariennes. Nous avons déjà évoqué à Palestriun l’action de Sever sous Théodoric 1er, ce Goth catholique issu d’une grande famille qui a participé à la migration. Sever a en effet contribué à la conversion de nombreux Goths avant de mourir et au développement d’un culte en cette place forte du monde gothique qui devient aussi un haut lieu du Catholicisme. Cette dualité est absolument intolérable pour le roi Euric maintenant installé à Aire, sa nouvelle capitale des bords de l’Adour qui possède bien sûr sa citadelle, son palais et son église arienne. Il y nomme un gouverneur (père de Quitterie) qu’il choisit dans la famille vitericienne (descendant de Viteric) puissante dynastie ostrogothique.
Que la fille du gouverneur, Quitterie, refuse l’époux que le roi lui destine et qu’elle fasse profession de foi nicéenne sont des attitudes considérées comme des manquements graves intolérables et il décida donc ici sa mise à mort et la mise à mort systématique de tous les Goths qui se convertiraient.
Sur le plan militaire, Euric porte son armée vers l’Auvergne dernier bastion romain et c’est en 474 l’ultime bataille de Clermont, depuis longtemps assiégée, gagnée par les Goths qui sont maintenant maître de toutes les Aquitaines. L’armée se tourne vers la Loire qui devient l’ultime frontière Nord de la Gothicité mais la cité de Tours, au Sud de la Loire, reste Romaine Catholique soutenue par les Francs. Ce sera le talon d’Achile du royaume Goth. Au sud des Pyrénées, les prétentions de quelques groupes locaux sont violemment mises au pas, les Suèves sont repoussés vers l’Océan, le littoral méditerranéen est maîtrisé, les Espagnes sont désormais terres gothiques, le triomphe est complet. « Euric domine sans conteste sur le plus grand royaume d’Europe, de la Loire aux colonnes d’Hercule (Gibraltar)».
« Les rois Goths des Gaules sont les plus cultivés des Barbares. Ils connaissent les astres, ils ont le respect des lois. Ils savent aussi qu’un royaume aussi chèrement acquis doit être protégé et c’est ainsi que tout autour de l’étendue gothique sont développées de larges circonscriptions administratives nouvelles taillées à cheval sur les Pyrénées, étendues sur différents diocèses voire provinces ecclésiastiques, traversées de routes, protégées de puissantes forteresses. Faisant table rase du passé romain, ils réorganisent leur empire. « Eauze joue un rôle essentiel non seulement pendant les temps gothiques mais pendant les premiers siècles du royaume franc »(1).